Quand l'État congolais choisit l'inclusion scolaire des filles enceintes : Une décision à haute portée politique [ Salem MAPUNA]
Kinshasa, 14 juillet 2025. Le Secrétariat Général à l'Éducation Nationale et à la Nouvelle Citoyenneté vient de frapper un grand coup en signant une circulaire officielle interdisant toute exclusion des élèves filles enceintes dans les établissements scolaires du pays. Cette décision, qui peut paraître administrative, constitue en réalité un acte politique majeur et un signal fort d’engagement étatique en faveur des droits sociaux et éducatifs des filles congolaises.
Un repositionnement stratégique de l'État
Cette circulaire ne tombe pas du ciel. Elle s’inscrit dans la droite ligne des engagements internationaux de la RDC, notamment en matière d’éducation pour tous et d’égalité des genres. Sur le plan politique, elle marque un virage progressiste dans un contexte national souvent plombé par le poids des traditions patriarcales et des normes morales conservatrices.
En imposant aux établissements scolaires de maintenir les filles enceintes dans le système éducatif sans aucune forme de discrimination ou sanction, l'État affirme son autorité réformatrice face à la société civile et aux mentalités rétrogrades qui continuent de percevoir la grossesse adolescente comme une faute inexpiable.
Un enjeu d’égalité et de justice sociale
Politiquement, cette mesure vient corriger une inégalité structurelle qui frappe les jeunes filles dans leur droit à l'éducation. L'exclusion des filles enceintes du circuit scolaire ne faisait qu’accentuer les inégalités de genre et compromettait leur avenir socio-économique. L'État reconnaît ainsi que l'éducation ne peut être un privilège conditionné par la moralité sexuelle mais un droit inaliénable.
Cette décision engage aussi la RDC dans un combat contre la reproduction sociale des vulnérabilités féminines : chaque fille qui abandonne l’école à cause d'une grossesse précoce devient plus exposée à la pauvreté, à la précarité et aux violences sexistes.
Un défi d’application et de transformation sociale
Toutefois, cette orientation politique devra affronter des résistances socioculturelles. Les mentalités restent dominées par une morale punitive à l’égard des adolescentes enceintes. Sans une campagne nationale d’accompagnement psychologique et éducatif, ce texte risque de rester lettre morte face aux pesanteurs culturelles des milieux éducatifs.
Par ailleurs, l'État devra veiller à la formation des enseignants, chefs d’établissements et élèves, pour garantir une cohabitation harmonieuse et bienveillante entre les filles enceintes et leurs pairs. Cela implique aussi la mise en place de dispositifs de soutien psychologique et de santé reproductive au sein des écoles.
Conclusion : Un acte de courage politique
En définitive, cette circulaire constitue un acte de courage politique, qui inscrit la RDC dans une dynamique internationale de respect des droits humains. Elle reflète une volonté de modernisation sociale par le haut, où l'État use de son pouvoir réglementaire pour infléchir les normes sociales.
Si cette décision est accompagnée d’une véritable stratégie de sensibilisation nationale, elle pourrait bien devenir un levier de transformation sociale, en contribuant à réduire les inégalités de genre et en garantissant à chaque fille, quelles que soient les circonstances, un accès équitable à l’éducation.
Salem MAPUNA
Politico-psychologue
Kinshasa, juillet 2025


