Quand la justice congolaise oscille entre symbole et psychodrame politique [Salem Mapuna, Politico-Psychologue

La condamnation de Constant Mutamba à trois ans de travaux forcés, assortie de sanctions complémentaires sévères , interdiction de vote et d’éligibilité pendant cinq ans, privation d’accès à toute fonction publique et impossibilité de libération conditionnelle , est plus qu’un jugement : c’est un spectacle politico-psychologique.
Pour la population congolaise, cette décision produit un effet cathartique : un ministre de la Justice, censé défendre les lois, est jugé et puni de manière exemplaire pour détournement de 19 millions de dollars destinés à construire une prison à Kisangani. Psychologiquement, c’est une réassurance symbolique, un rappel que l’impunité n’est pas une fatalité.
Pour l’élite politique, cette peine ferme et ces sanctions complémentaires sont un outil de discipline implicite. La privation de droits civiques et l’interdiction d’accès aux fonctions publiques sont autant de messages subliminaux : loyauté et conformité sont exigées, faute de quoi, même les plus puissants peuvent tomber. Dans la psychologie des groupes, Mutamba devient un exemple isolé, destiné à influencer le comportement de ses pairs.
Cette décision a également un impact psychologique externe. Elle envoie un signal fort aux bailleurs et partenaires internationaux : la RDC peut punir la corruption au plus haut niveau. Mais cette démonstration reste fragile tant que d’autres scandales restent impunis.
La justice congolaise oscille ainsi entre symbolisme et théâtre politique. Le peuple reçoit un signe de justice, l’élite une mise en garde, et l’international un gage de sérieux. Mais la psychologie collective reste marquée par la méfiance : s’agit-il d’une réforme durable ou d’un coup d’éclat ponctuel ?
En définitive, l’affaire Mutamba illustre le double visage de la justice congolaise : entre exemplarité ostentatoire et calcul politique, entre message symbolique et psychodrame collectif. Le véritable défi reste d’instaurer un système où la peur de la justice ne dépendra plus des positions politiques, mais de la force et de la régularité de la loi.
Par Salem MAPUNA l'analyste politico-psychologique