La cohésion nationale au-dessus des sentences [Salem MAPUNA, Analyste psycho-politico]
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Un proverbe africain dit : « Quand les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre. » Aujourd’hui, l’herbe, c’est notre peuple. Et ce peuple n’a pas besoin d’assister à des règlements de comptes au sommet, mais d’être protégé, soutenu, guidé.
La récente condamnation à mort de Joseph Kabila par un tribunal militaire a fait l’effet d’un tremblement de terre dans le paysage congolais. Mais à y regarder de près, ce verdict soulève plus d’inquiétudes qu’il n’apporte de réponses.
Le Congo d’aujourd’hui n’est pas un État fort, assis sur des institutions respectées et stables. C’est un pays encore meurtri par des décennies de guerre, de pillages et de fractures. Dans un tel contexte, une décision aussi radicale, loin d’unir, divise davantage.
Psychologiquement, une nation blessée n’a pas besoin de boucs émissaires pour soulager momentanément sa colère, mais de repères solides pour reconstruire sa confiance. Une condamnation aussi extrême risque d’être perçue non pas comme un acte de justice, mais comme une vengeance maquillée. Or, la justice qui rassure n’est pas celle qui frappe fort, mais celle qui frappe juste.
Politiquement, ce jugement fragilise la cohésion nationale. Il peut réveiller les anciennes fidélités, raviver les rancunes, polariser encore davantage un pays où les plaies sont déjà béantes. Il offre aussi aux ennemis de la République une nouvelle brèche pour exploiter les divisions internes. Dans un État où les défis sécuritaires, économiques et sociaux sont déjà immenses, ajouter une fracture de plus, c’est compromettre le peu d’équilibre qui reste.
Ce verdict ne doit pas devenir le symbole d’un pouvoir qui cherche à écraser son prédécesseur pour s’affermir. Le Congo a besoin d’une justice qui construit, pas qui fracture ; d’une réconciliation qui bâtit, pas d’une vengeance qui détruit.
Le moment est venu pour nos dirigeants, mais aussi pour chaque citoyen, de choisir : allons-nous bâtir une nation sur la vengeance, ou allons-nous cimenter notre avenir sur la cohésion nationale ?
En définitive, condamner un homme ne doit pas condamner tout un pays. L’histoire retiendra non pas la sentence prononcée, mais la capacité d’une génération à privilégier l’unité sur la division, la réconciliation sur la haine, l’État de droit sur l’instinct de revanche.
Salem MAPUNA, Analyste psycho-politico