Tribune : Procès Mutamba, quand les deux camps déshonorent la justice [Salem MAPUNA, le Politico-Psychologue]
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Le procès de Constant Mutamba, censé être un moment de vérité, est en train de devenir un miroir brisé qui reflète autant la fragilité de notre justice que l’hypocrisie des acteurs politiques. Le verdict attendu le 27 août, une fois de plus reporté, ne fait que confirmer ce malaise : la justice congolaise danse sur une corde raide, entre manipulations, suspicions et instrumentalisation des émotions collectives.
Du côté du pouvoir judiciaire et du ministère public, on assiste à une démonstration de force plus théâtrale que juridique. Réclamer dix ans de travaux forcés, assortis de dix ans d’inéligibilité et d’une exclusion définitive des fonctions publiques, peut paraître cohérent sur le papier, mais donne surtout l’impression d’un acharnement destiné à éliminer un adversaire politique gênant. Cette justice qui frappe fort sur un opposant, alors qu’elle reste muette devant tant d’autres scandales financiers et politiques, envoie un message clair : la loi ne s’applique pas de manière égale, elle est sélective, arbitraire, et souvent au service du rapport de force.
Du côté de Mutamba et de ses partisans, le discours n’est pas plus rassurant. Crier systématiquement au complot, transformer chaque dossier en preuve de persécution politique, c’est entretenir une victimisation permanente qui infantilise l’opinion. La défense se concentre plus sur la diabolisation du pouvoir que sur la solidité des arguments juridiques. En agissant ainsi, Mutamba cherche moins à prouver son innocence qu’à capitaliser sur le statut de martyr politique, quitte à instrumentaliser la colère populaire.
Psychologiquement, ce procès révèle une société prise en otage par deux récits toxiques : celui d’un État qui veut démontrer son autorité par des procès exemplaires mais sélectifs, et celui d’une opposition qui ne sait résister qu’en criant à la persécution. Dans les deux cas, le citoyen est réduit au rôle de spectateur, frustré et désabusé, incapable de croire encore en l’impartialité de la justice.
Pour terminer, il faut oser le dire : ni le ministère public, ni Mutamba n’honorent la justice congolaise. Les premiers la réduisent en instrument de règlement politique, les seconds en bouclier pour échapper à la responsabilité individuelle. Le résultat ? Une justice piégée, un peuple divisé, et une démocratie vidée de son sens.
La vraie urgence n’est pas de savoir si Mutamba sera condamné ou acquitté le 1er septembre. L’urgence, c’est de redonner à la justice sa force symbolique et sa crédibilité. Tant que chaque procès restera un bras de fer politique, aucun verdict, aussi lourd ou léger soit-il, ne rétablira la confiance du peuple.
Salem MAPUNA Le Politico-Psychologue