La paix signée, mais pas la paix tenue : qui profite du temps perdu ? [ Salem MAPUNA Le Politico-Psychologue]

25 Septembre 2025 - 08:51
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La paix signée, mais pas la paix tenue : qui profite du temps perdu ? [ Salem MAPUNA  Le Politico-Psychologue]

L’espoir s’est gagné une signature en juin 2025  un document que beaucoup ont célébré comme un tournant. Mais l’histoire ne se lit pas seulement à l’encre des accords : elle se vérifie sur le terrain, dans le retrait effectif des forces, dans la sécurité retrouvée des villages et dans la possibilité pour un enfant de retourner à l’école. Or, quand la promesse se transforme en calendrier sans application, il faut se demander : qui profite du temps perdu ?

Le président Félix Tshisekedi l’a dit sans détour : certaines manœuvres retardent la mise en œuvre et les forces étrangères « prétendent » s’être retirées alors que, selon Kinshasa, la présence et le soutien aux groupes armés persistent. Ce n’est pas un épiphénomène diplomatique  c’est la différence entre la paix formelle et la paix réelle.

Sur le plan psychologique, la lenteur est une arme redoutable. Elle sape la confiance, instille la suspicion et transforme des engagements en rituels vides. La population, elle, paie le prix : déplacés, victimes d’exactions, économie locale anéantie. Le temps gagné par ceux qui retardent la paix se convertit immédiatement en terrain, en influence, en contrôle des ressources. Et dans l’Est congolais, les ressources ne sont pas une abstraction elles sont le carburant d’un conflit qui ne veut pas s’éteindre.

Appeler à la retenue ou à l’apaisement sans exiger des vérifications concrètes, des mécanismes indépendants et des calendriers contraignants, c’est offrir à l’immobilisme une couverture morale. Il faut donc rompre avec deux fausses évidences : que la parole d’un État soit seule garantie ; et que la médiation internationale doive se satisfaire d’apparences tant qu’un accord est signé. La paix exige des preuves démontrables  pas des paroles.

Que proposer, alors ? Trois impératifs pratiques : (1) déploiement immédiat d’observateurs internationaux crédibles et indépendants dans les zones-clés ; (2) publication régulière et vérifiable des mouvements de troupes et des échanges de prisonniers ; (3) mécanismes locaux de protection civile co-construits avec les communautés qui ont été victimes parce que la paix imposée d’en haut sans la réparation d’en bas ne dure pas. Ces mesures ne sont pas de la rhétorique : ce sont des garde-fous.

Enfin, il faut nommer l’évidence : lorsque la paix intéresse davantage des acteurs externes pour leurs routes commerciales, leurs positions stratégiques ou l’accès aux minerais que pour la sécurité des femmes et des enfants, nous sommes devant une perversion morale. La voie qui mène à la stabilité ne peut pas passer par la marchandisation des vies humaines. Ceux qui le font doivent répondre publiquement.

En définitive, la signature d’un accord n’est que la première page d’un livre dont la suite s’écrit sur le terrain. Si nous laissons ce chapitre sans témoins indépendants et sans comptes rendus transparents, la paix sera toujours menacée par ceux qui gagnent à sa lenteur. Et tant que la paix restera un vêtement que l’on peut enfiler à la demande, le droit de réponse le plus urgent à exiger est celui des victimes pas des diplomates.

Salem MAPUNA  Le Politico-Psychologue.

(Fait référence aux déclarations publiques du président Félix Tshisekedi les 22–23 septembre 2025 sur le retardement de la mise en œuvre de l’accord de paix et la présence présumée de forces rwandaises en RDC.)

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